Eléments pour une esquisse de sa spiritualité

Saint Martin vivait au IVème siècle. Originaire de Panonnie en Hongrie, il désirait le baptême depuis son enfance à Pavie (Italie) mais le contexte militaire (et surtout païen) de sa famille ne le permit pas.

Engagé dans la Légion romaine par l'obligation impériale faite à tout fils de légionnaire de s'engager, pour faire face aux pressions barbares qui se faisaient durement sentir, aux limites de l'Empire, Martin (c'est-à-dire consacré au dieu Mars, dieu de la guerre !) cultiva ce désir durant tout son temps à l'armée (20 ans semble-t-il ! – cf. Régine Pernoud), jusqu'à la veille de la bataille de Worms, où l'ennemi se rendit sans combattre...

Autrement dit, il était encore catéchumène lors du fameux partage de son manteau (d'officier supérieur de la garde rapprochée de l'Empereur Julien l'Apostat), à Amiens en faveur d'un pauvre réfrigéré... De Worms, il gagna Poitiers pour se mettre à l'école de Saint Hilaire (d'abord pour se faire baptiser ?).

  1. Autant dire qu'un premier aspect de sa spiritualité est le catéchuménat dont il a vécu l'esprit, bien avant de l'être officiellement.
  2. D'autre part il a vécu dans les décennies qui ont suivi l'édit de Milan (313), où l'Empereur Constantin donnait la liberté religieuse à l'Eglise, et où l'Eglise mettait en valeur dans les arts liturgiques la Seigneurie du Christ sur le pouvoir impérial lui-même (cf. les mosaïques constantiniennes).
  3. C'était aussi les décennies qui ont suivi le Concile de Nicée (325) ; et celles de la découvert de la vraie Croix à Jérusalem, par la mère de Constantin, Sainte Hélène. D'où une spiritualité marquée par l'importance de « signe de la croix » dont témoigne un épisode de la vie de Saint Martin, sculpté sur le chapiteau qui soutient la pierre de l'autel dans l'abbatiale.
  4. Le geste du « partage » qu'il refit, une fois devenu évêque de Tours, traduit aussi quelque chose de cette charité active « qui se donne de la peine », qui aura tant d'importance dans l'histoire de l'Eglise, en France et en Europe, au point de devenir une valeur européenne, comme en témoigne le bulletin du Centre Culturel européen de Saint Martin (contact@cce-saintmartindetours.org ; 06.62.30.89.00), à Tours, dans son éditorial du 2 septembre 2005.
  5. Martin quitta l'armée au moment où devant recevoir le baptême, il se rangeait sous un autre étendard que celui de la Légion romaine, pour se faire désormais « soldat du Christ », selon son expression, pour lui conquérir les âmes vivant dans les territoires mis sous sa responsabilité. Cette spiritualité qui puise dans l'esprit et les valeurs militaires sera reprise par d'autres saints, sous des formes différentes (cf. Saint Ignace de Loyola, Sainte Thérèse d'Avila, etc.). Elle se traduit également par sa dévotion à Saint Maurice et aux martyrs de la Légion thibérine (cf. la première église qu'il consacra sous ce vocable et l'ampoule du sang de Saint Maurice qu'il amena à Candes !).
  6. Maints éléments de sa vie par Sulpice Sévère le montrent :
    d'une part comme un ascète aguerri (les autres évêques lui ont même reproché son aspect « hirsute » !)
    d'autre part comme vivant de façon très radicale la pauvreté évangélique et l'abandon à la providence
  7. Dans son ministère épiscopal, Sulpice Sévère le montre aussi expérimenté et aguerri dans la lutte contre les esprits mauvais soit par son discernement, soit par ses exorcismes, signes que « le Royaume de Dieu s'est approché », selon la réponse de Jésus à certains de ses contradicteurs, bien rempli de la conscience vive des chrétiens des premiers siècles d'avoir à faire reculer l'emprise du Mauvais sur le monde, et donc à étendre, même géographiquement, le règne du Christ. Les destructions de temples païens et d'idoles vont dans ce sens.
  8. Enfin, Martin, impressionné par la première vie de Saint non martyr, Saint Antoine du désert, vécut 3 ans en ermite sur l'Ile Gallinaria avant de rejoindre Saint Hilaire revenu de déportation. Là, il fonda le premier monastère gaulois et lança le mouvement de la vie monastique en Europe au point d'être appelé le premier moine européen (... et le seul saint latin vénéré au Mont Athos !).
  9. Evêque, avec douze de ses compagnons, il est réputé comme évangélisateur des campagnes, d'où la toponymie marquée par son nom (et ceux de ses compagnons). Ici, la vénération d'un saint agriculteur Saint Gaudérique, témoigne lointainement de la fécondité de cette évangélisation.
  10. La fécondité et l'ardeur évangélisatrice s'enracinait dans une prière (contemplative) continuelle comme en témoignent plusieurs aspects de sa vie :
    - devenu évêque, il loge, dort, prie, travaille dans une sacristie attenante à la cathédrale et aménagée en cellule monastique, et non dans la maison épiscopale existante, héritée de ses prédécesseurs, comme Saint Lidoine et Saint Gatien.
    - menacé par le feu et un moment déstabilisé par l'urgence, « il plonge dans l'oraison ! » et le feu s'éteint...
  11. - Elle était phénoménale et universelle sous l'Ancien Régime
    - La Révolution a tenté de l'effacer et de la brouiller : arasement de la basilique Saint Martin d'origine à Tours et construction d'un quartier à la place.
    - Le charisme du « Saint homme de Tours », le fameux Monsieur Dupont, ami de la supérieure du Carmel de Tours morte en odeur de sainteté et vénérée au Carmel de Lisieux (surtout par certaines sœurs de la famille Martin !), ce Monsieur Dupont promoteur de la dévotion à la Sainte Face, et qui après avoir découvert les fondations de la basilique d'origine, racheté et rasé le quartier, obtient l'autorisation d'un reconstruire une au même emplacement en 1880. Les travaux s'étalèrent de 1885 à 1925 où elle fut consacrée. Entre temps la première guerre mondiale s'était achevée le jour de la Saint Martin, le saint le plus populaire encore en France. D'où la décision du conseil de fabrique de Perpignan d'édifier une église en son honneur, non loin de la gare actuelle, celle de la paroisse Saint Martin, animée actuellement par la communauté de la Croix Glorieuse.
    - En France par la suite on a tellement célébré l'armistice qu'on en a oublié Saint Martin ! Mais le 1500ème anniversaire de sa mort en 1996, occasion de travaux d'érudition et de célébrations, dont le pèlerinage de Jean-Paul II à Tours, semblent avoir réveillé sa mémoire. En tous les cas, le Centre Culturel Européen Saint Martin, appuyé par le Conseil de l'Europe, en témoigne !