Récit de la journée de clôture du Millénaire par Sr Marie de la Trinité
(Communauté des Béatitudes)
Non, saint Gaudérique n'aura pas boudé cette journée de clôture du millénaire !
En ce dimanche 15 novembre 2009, c'est dans la douceur d'un exceptionnel été de... la saint Martin... que les pèlerins attaqueront la montée sinueuse, découpée dans la pierre, qui les mènera à l'Abbaye. En effet, le premier rendez-vous était fixé à mi-chemin près de l'Eglise de Saint-Martin-le-Vieux pour le pèlerinage jubilaire entraîné par Monseigneur André Marceau, Evêque de Perpignan que Monseigneur Le Gall, qui présidait la messe, avait rejoint. Déjà, le père Henri Suzo accueille ces promeneurs du millénaire en français et en catalan ! La procession s'ébranle, encadrée par les scouts et les guides, au son des chants catalans à l'occasion, accompagnés par une trompette tonitruante, un intempestif piccolo et une clarinette. Sur le chemin, on fait des pauses prières autour d'une petite méditation avant de repartir au son des instruments.
Les pèlerins dont le nombre ne cesse d'augmenter arrivent en vue de l'abbaye. La porte sainte du clocher est ouverte et ils s'acheminent vers l'abbatiale. Là, on se serre. Bien sûr, c'est une abbatiale... mais elle n'est pas si grande et il faut jouer des coudes pour que chacun des 500 visiteurs du jour arrivent à se faufiler jusqu'à une petite place. Des chaises ont été installées dehors sur la terrasse sonorisée. Toute la montagne résonnera au rythme de la parole de Dieu ! En ouverture, Monseigneur Le Gall donne le ton : « C'était la première fois que je grimpais à Saint-Martin et j'en suis très heureux. Je n'ai fait que répondre à une invitation faite il y a un an. Je ne savais pas que le Saint-Siège me demanderait de m'occuper de la communauté des Béatitudes et d'en prendre la protection. Ça me va d'autant mieux que je suis bénédictin depuis 40 ans ».
Monseigneur Le Gall est en famille : autour de lui, de nombreux moines bénédictins se sont joints aux festivités. En effet, en 1902, alors qu'en France l'Etat expulse les religieux, Monseigneur Jules de Carsalade du Pont entreprend la restauration d'une abbaye en ruine, victime de 120 années d'abandon, avant que le Père Bernard de Chabannes, un moine de l'abbaye d'En Calcat ne prenne la suite en 1952.
Pour la cérémonie, elle sera à la fois priante et enjouée. Dans son homélie, Monseigneur Le Gall rappellera que la rencontre avec Dieu se fait sur la montagne. Par deux fois, dans le psautier, on trouve le verset : « Touche les montagnes, elles fumeront » (Ps 104, 32). Les éléments en se rapprochant font jaillir une flamme, et il précise : « Dans l'Eglise, l'endroit le plus sacré, c'est l'autel. C'est sur cette quasi-montagne qu'on rencontre Dieu. Chaque fois qu'on célèbre l'Eucharistie, on monte à l'autel. Là, le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ ». Monseigneur Le Gall entonne alors l'hymne latine de la dédicace précisant que cette hymne « est l'une des plus belles : nous appartenons à Dieu ». Placés au cœur de cette théophanie, il conclut par ces mots : « Dans ce temple millénaire, nous sommes plein d'émotions en ce jour (...) Entrons dans notre mystère : peuple de Dieu, corps du Christ, temple de l'Esprit Saint ».
Après la messe qui s'est achevée par la bénédiction du Saint Père lue par Monseigneur Marceau, on se retrouve dans un cloître bondé pour l'apéritif avant de sortir le pique nique du sac pour le savourer sur un bout de rocher entre amis.
L'après midi sera riche en propositions ! Les plus fervents adorent le Saint Sacrement dans l'abbatiale ou se confessent sur la terrasse. Pendant ce temps, d'autres ont entrepris de visiter librement l'abbaye. Sur leur route, certains font une pause à la crypte où le photographe Catalan, Paul Palau accroche le cœur des visiteurs à la montagne à travers les images pleines de beauté de son « digirama » : Canigou, magie d'une montagne.
Les plus jeunes ne sont pas oubliés et peuvent apprendre à se battre comme de redoutables chevaliers sous la houlette de Thierry Tissier, un vrai maître d'armes. Rappelez-vous : l'Abbaye a été fondée au XIème siècle par le Comte Guifred II. Et ce Comte, avant de finir sa vie comme simple moine, a été un grand Seigneur. Mais la chevalerie et ses combats ont leurs règles que Thierry Tissier se fera un devoir d'enseigner aux amateurs : le respect de l'autre, la salutation très virile de l'adversaire, le fair-play... Très vite cependant, la bataille fait rage, les épées en mousse se heurtent tandis qu'un petit nuage monte doucement de la vallée pour chatouiller les pieds des combattants. Le temps d'invoquer Saint Gaudérique et le soleil revient sur l'Abbaye.
En se dirigeant vers l'accueil, les amateurs des sardanes catalanes pourront se mettre à danser accompagnés par la cobla Germanor, un bel ensemble de cuivre que soutient une magnifique contrebasse. Si vous passez au magasin, c'est une guide qui vous accueillera d'un souriant « bonjour ». En effet, tout au long de la journée, les 70 scouts et guides d'Europe seront omniprésents et rendront une foultitude de petits services. De la préparation au service de l'apéritif, ils baladeront la sono tout au long des deux processions et danseront une belle polka des chaises pour que chacun ait de quoi s'asseoir au bon moment selon les événements de la journée sur la terrasse, dans la crypte, à la cobla... Ils distribuent des tracts, font le service d'ordre. Chaque patrouille est coachée par un frère ou une sœur de la communauté qui transmet les infos et ça roule ! Pour les plus spirituels, Dominique proposait un atelier de « Parole gestuée » près de l'oratoire Saint Benoît.
Mais la voix du père Henri Suzo se fait entendre et résonne dans la montagne. En effet, à 14h30, les pèlerins se serreront de nouveau dans l'Abbatiale pour entendre la Conférence que Monseigneur Le Gall donnait sur le thème : « L'enjeu de la vie monastique pour l'Eglise et le monde d'aujourd'hui ». Puis la journée approche de sa fin et il faut penser à déposer ce millénaire. Alors on reprend le bâton de pèlerin et on se remet en route jusqu'à l'Oratoire Saint-Benoît pour demander à Dieu des vocations pour une nouvelle évangélisation du diocèse. Saint Gaudérique continue d'intercéder et le ciel illuminé d'un soleil clair d'hiver resplendit tandis que la vallée, cachée sous un nuage bas, semble laisser l'Abbaye à son bout du monde. Monseigneur Marceau bénira aussi la vallée qui continue de vivre dans l'ombre protectrice de ces murs happés par le silence des montagnes qui appelle sur les hommes la tendresse de Dieu.